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Grèce : Un référendum pourrait sauver la Grèce moribonde de la troïka?” par Maria Negreponti-Delivanis, 4/2014

Grèce : Un référendum pourrait sauver la Grèce moribonde de la troïka?” par Maria Negreponti-Delivanis, 4/2014
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Depuis quelques temps, alors que la Grèce est traînée à toute allure et dans un vacarme assourdissant vers le stade ultime de sa ruine, une question me vient à l’esprit, toujours la même, qui aurait dû être réglée depuis longtemps mais est restée sans réponse jusqu’à aujourd’hui. La réponse, bien qu’évidente, du moins pour l’écrasante majorité de la population grecque, semble devoir être officialisée de façon à avoir un rôle de premier plan dans le processus de sauvetage du pays. Je pense que cette réponse tant désirée, si elle était appuyée par un référendum, mettrait un terme à la lutte entre les émissaires de la troïka et le gouvernement qui, chaque fois qu’il faut payer nos créanciers, ravive désormais ouvertement le théâtre de l’absurde. Le versement, censé nous faire éviter la faillite – bien que celle-ci soit bien une réalité puisque notre dette n’est pas viable – est toujours donné, mais seulement après que le gouvernement, notre représentant à tous, qu’on le veuille ou non, s’est laissé rabaisser. Plus précisément, nos gouvernants attendent leur tour, des heures durant, font les petits élèves face à la troïka, et là se font remonter les bretelles, se font injurier et accuser par ses sous-fifres, sous prétexte que pendant tout ce temps, « ils n’ont pas accompli leurs devoirs de façon satisfaisante ». Nos dignitaires, la tête dévotement baissée, n’osent pas répondre, reconnaissant ainsi leurs torts. Ils les implorent néanmoins de toutes leurs forces, d’avoir pitié cette fois encore, c’est-à-dire de recevoir leur versement. Dans le même temps, dans un état de misère totale, ces gouvernementaux  qui représentent la Grèce, promettent que oui, à l’avenir ils seront plus obéissants, ils se soumettront davantage aux diktats des émissaires de la troïka, plus responsables eux, et plus efficaces… il suffit que le versement soit donné.
Mais de quoi s’agit-il exactement ? Quels sont ces devoirs dont nos dirigeants ne se sont pas complètement acquittés et qu’ils sont appelés à le faire, et comment promettent-ils de corriger à l’avenir ?
Les principaux devoirs du gouvernement grec face à la troïka sont clairs, particulièrement simples et peu nombreux. Il leur faut tout d’abord, à nos responsables en charge du pays, accélérer la marche et maximaliser les licenciements, de façon à atteindre les normes de productivité. Il s’agit de licenciements aveugles, c’est-à-dire que les émissaires de la troïka se fichent complètement de savoir qui sera licencié et de quels services du secteur public. Il suffit que chaque mois, le nombre des « défenestrés » corresponde exactement à ce qui a été arrêté, et pas un de moins. Concernant le secteur privé, là le procédé diffère légèrement, au sens où l’objectif de la maximisation des licenciements est atteint par la suppression de toutes les mesures de protection des travailleurs, mais aussi par des interventions qui changent les lois sur les syndicats. Avec ces méthodes, d’autres objectifs sont aussi automatiquement atteints, tels que le travail dominical sans que personne n’y voie d’objection, les embauches à temps partiel qui dans les faits se transforment en plein temps sans augmentation de salaire, la signature par les travailleurs attestant qu’ils ont reçu leur treizième mois, mais qu’ils sont contraints de… retourner, et bien d’autres encore.
Dans l’affolement, nos dirigeants doivent aller de l’avant aussi vite que possible, car ils ont déjà pris soi-disant beaucoup de retard, avec des réductions de salaires et retraites plus grandes, ainsi que la suppression des augmentations prévues après trois ans de services. Les émissaires de la troïka jugent en effet ces augmentations inutiles : le salaire initial à l’embauche sera le même le jour où le travailleur sera licencié du service. Un autre domaine de taille, dont les dirigeants Grecs promettent d’augmenter la productivité et d’atteindre les normes fixées, c’est le bradage de la Grèce. Le retard, sur cette question aussi, est inexcusable selon les émissaires de la troïka. Le gouvernement grec a l’obligation de tout brader, et la troïka se fiche pas mal si les prix de vente chutent jusqu’à un dixième de la valeur réelle. Et puis aussi, les émissaires de la troïka exigent l’accélération de toutes sortes de mesures au moyen desquelles la santé publique ne sera plus qu’un vieux souvenir, et le plus vite sera le mieux. Les résultats obtenus jusqu’à présent, qui laissent chaque jour quelques 2000 malades privés de soins dans les services publics de santé, sont insuffisants, selon la troïka. Toutesproportions gardées bien sûr, les normes, la productivité des licenciements, l’appauvrissement des travailleurs etc., m’amènent souvent à penser à d’autres normes et besoins de résultats toujours plus importants et rapides : aux camps de la mort de la deuxième Guerre Mondiale.
Entre une chose et l’autre, en cinq ans de crise de la dette, il est établi que l’économie grecque a perdu en 2013 douze années de sa « vie », retournant aux conditions de 2001. Voici :
2013
2008
Baisse en milliards d’euros
PIB
182,1
233,3
51,2
Par tête
12,354
17,374
5,020
Cons. des ménages
128,63
165,75
37,12
Cons. publique
31,34
42,34
11
Investissements
23,6
56,0
32,4
Exportations
53
56,2
3,2
    Source : ELSTAT              
Et je voudrais ajouter à cela le taux de chômage réel qui, dès lors que l’on tient compte de ceux qui travaillent quelques heures à peine par semaine tout en étant considérés comme ayant un emploi, avoisine les 34 % (Confédération Générale des Travailleurs Grecs).
Voilà, en résumé, les résultats, dans tous les domaines importants, de la politique de la troïka en Grèce. Une véritable catastrophe biblique. Et même en admettant que la fameuse croissance reprendra en 2015 – chose que la quasi-totalité des analystes un tant soit peu sérieux ont peine à croire –, il faudra des dizaines d’années pour que l’économie grecque retrouve son niveau de 2008.
Je reviens donc à cette question que je considère cruciale, aujourd’hui plus que jamais, et qui doit absolument être posée au peuple grec sous la forme d’un référendum :
« Pensez-vous que les mesures imposées par la troïka sont faites pour sauver notre pays ? » 
Et autant que je peux préjuger la réponse pour le moment hypothétique du peuple grec, je dirais, sans bien sûr en avoir les preuves – que le pourcentage des grands naïfs et de ceux qui ont manifestement un intérêt spécifique ou obscur, ne peut dépasser 7 à 10 %.
Avec une telle majorité écrasante de « non » à cette question, la poursuite de la politique des mémorandums, tant les anciens que le nouveau qui arrive, serait un oxymore, irait à l’encontre de la logique la plus élémentaire. Il faudrait par conséquent que soient absolument trouvées et sans perdre de temps, d’autres voies pour combattre la crise et en sortir.
Mais même l’argument récurrent selon lequel « toute autre solution sera pire » ne suffirait plus, étant donné que rien ne peut être plus menaçant, pour un peuple, ou pour une Nation, que la mise en place forcée d’un plan de sacrifices inhumains qui, loin de viser à son sauvetage, le pousse à la catastrophe.
Alors que les élections locales et régionales et européennes approchent, il serait souhaitable qu’un nouveau parti politique apparaisse, qui s’engagerait à accepter le résultat de cette question. Une réponse qui, bien évidemment, n’aurait pas été précédée des célèbres procédés de lavages de cerveau. Cette réponse serait déterminante et déclencherait une évolution de la situation très rapide, naturellement vers une direction totalement opposée à celle de la soumission criminelle aux mémorandums. Le pourcentage de cette réponse, serait je pense, automatiquement lié ensuite au pourcentage désastreux des partisans de l’euro dans presque tous les Etats membre de la zone euro.
Quelles évolutions s’ensuivraient-elles ? De façon disjonctive :
• Le sentiment démocratique se réveillerait, et n’autoriserait pas la poursuite de politiques, en Europe, qui recueillent un taux d’assentiment inférieur à 50 %. Et peut-être qu’une telle évolution obligerait l’Europe à changer radicalement sa politique macroéconomique.
• Le rythme de la dissolution de la zone euro et de l’Union Européenne s’accélèrerait.
• Les peuples opprimés de l’Europe des mémorandums et de l’austérité se soulèveraient et réclameraient un autre traitement.  

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